Dans l'antre de la Bête
"C'est la quatrième dimension du bouquin, son antichambre en quelque sorte." L'exposition de Josepe et Christophe Chaumette n'a rien d'un simple accrochage de planches de bande dessinée. Créée en parallèle de l'écriture du premier tome des Chroniques du Gévaudan à paraître en juin, La Naissance de la Bête, elle est présentée jusqu'au 8 avril aux Écuries à Aurillac. "Cela fait près de 5 ans que nous entendions parler chaque année de ce projet, se remémore Julien Segura, directeur adjoint de la Médiathèque du Bassin d'Aurillac, organisatrice du Festival BD. On pensait savoir de quoi ces deux-là étaient capables... Mais en fait, nous n'en savions rien ! Cette exposition est un véritable projet immersif."
En vérité, il aura fallu près de 11 années à Josepe et Christophe Chaumette pour mener leur projet à terme. "La Bête du Gévaudan ? A la base, je n'étais pas du tout là-dedans !, explique Josepe. Mais Christophe m'en parlait depuis longtemps... L'idée initiale était un spectacle mais, à mon sens, il manquait une caisse de résonnance. J'ai donc proposé qu'on forge une histoire autour de la Bête." Au fil de leurs rencontres, de leurs découvertes, de leur affrondissement de l'histoire, ils ont remis (plusieurs fois) leur ouvrage sur le métier. "J'ai tout appris, même en dessin. Nous avons été sur les lieux, nous avons pris plusieurs milliers de photos afin d'être le plus juste et subtil possible. Le Gévaudan est une terre ancestrale puissante, entre la Terre et le Ciel, nous voulions représenter les vrais lieux."
Une immersion au XVIIIe siècle
"Nous avons travaillé comme un cabinet de curiosités du XVIIIe siècle, complète Christophe Chaumette. Les archives, les objets notamment, sont une source d'inspiration pour écrire et dessiner. Les voir en vrai pousse à la réflexion et révolutionne notre compréhension de l'Histoire." Animés par une approche humaniste du mythe et de l'époque, les co-auteurs ont également attaché une grande importance aux populations et aux victimes. "Il faut se remettre dans le contexte de l'époque, raconte Josepe. Il y a eu des vies, des familles bouleversées et notre empathie est dirigée vers eux pour tenter de comprendre ce qu'ils ont vécu."
Au travers de témoignages, dont certains de descendants de victimes de la Bête, les co-auteurs ont souhaité s'immerger dans le quotidien des habitants du Gévaudan des années 1760. L'exposition qui en découle, accueillie dans le cadre du Festival BD du Bassin d'Aurillac, plonge ainsi les visiteurs dans un "voyage vers le XVIIIe siècle", une déambulation entre dessins, récits historiques, objets d'époque, extraits de registres paroissiaux... De la Lozère à la Margeride cantalienne, le périple est guidé par le souffle des Hautes Terres qui siffle pour l'occasion dans la salle des Écuries... (ambiance sonore signée Alexandre Pividal).
Néanmoins, nulle volonté de la part de Josepe et Christophe Chaumette d'établir des vérités historiques ou d'apporter une quelconque réponse sur le mystère de la Bête du Gévaudan. "Moins on la voit, mieux on se porte, résument-ils. L'objectif est de préserver la légende, le mystique : à vous de vous représenter votre Bête..."